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Ry détacha son regard de l’amulette, leva les yeux sur Zoé. Elle avait les lèvres entrouvertes et les prunelles aussi brillantes que le petit objet de verre frappé par le soleil.

« Dis-moi que tu ne penses pas à en boire, dit-il.

— Oh que non ! répondit-elle avec un frisson. » Mais elle baissa les bras et serra l’amulette sur sa poitrine, comme pour la protéger de Ry ainsi que du reste du monde. « Quand même, Ry… Et si c’était vrai ? Si ça pouvait nous donner la vie éternelle ?

— Et nous rendre dingues par-dessus le marché ? »

Elle frissonna à nouveau. Ry passa son bras autour de ses épaules et l’attira contre lui. Il commençait à faire froid, maintenant que le soleil descendait vers l’horizon.

« Ce n’est qu’une relique du temps jadis, dit-il. Un bout de verre.

— Avec quelque chose dedans, Ry. Un liquide.

— Probablement une décoction mitonnée par une paysanne sibérienne avec un œil de triton et des couilles de rennes. »

Zoé émit un son qui tenait du soupir et du rire.

« Tu as raison. Ma tête au moins me dit que tu as raison. Mais rien que de la regarder, la paysanne sibérienne qui est en moi se sent toute chose à l’intérieur. »

Il la serra plus fort contre lui.

« Moi aussi, ça me fait flipper. Je pense qu’une partie de son pouvoir, de ce que nous éprouvons, vient du fait que nous savons que des gens ont tué pour la posséder, et tuent encore, mais ça ne prouve pas que ça donne la vie éternelle. Tout ce que ça prouve, c’est qu’il y en a qui le croient. »

Elle resta coite, à contempler l’amulette qu’elle tenait entre ses mains. Et puis elle releva les yeux sur lui, une lueur taquine dans le regard.

« Bien parlé, O’Malley. Maintenant, si tu veux en avoir le cœur net, tu sais ce qu’il te reste à faire. Allez, bois-en.

— Peux pas. Je suis allergique aux couilles de renne. »

Elle se mordilla la lèvre, mais ne put se retenir : elle s’appuya contre lui, prise d’un fou rire, et sentit toute la tension accumulée s’évacuer. Elle nicha sa tête au creux de son cou, resta un instant blottie dans sa chaleur puis se redressa, se leva sur la pointe des pieds et lui donna un baiser, très fort, très vite, sur la bouche.

« Mmm, en quel honneur ? demanda-t-il.

— Juste d’être comme tu es. »

Il noya son regard dans ses yeux levés vers lui. Il avait envie de lui faire l’amour à nouveau, lentement, cette fois, intensément. Il avait envie d’elle, de chaque fibre de son être, tellement envie que c’en était effrayant.

Il fit un pas en arrière, et elle eut un petit sursaut, comme si elle aussi avait été sous le charme.

La route, autour d’eux, était déserte. Le monde entier était si calme et silencieux qu’il entendait sa propre respiration, et celle de Zoé.

« Alors, dit-elle d’une voix un peu incertaine, qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?

— Alors, la belle, on va à Saint-Pétersbourg comme on avait prévu, en priant tous les saints du paradis de parvenir à échafauder, avant d’y arriver, un plan brillant qui nous permettra de discuter avec le fils de Popov sans nous faire tuer. Et puis, je connais là-bas un gars qui enseigne la biologie moléculaire à l’université. Il a probablement accès à toutes sortes d’appareils grâce auxquels il pourrait analyser les propriétés physiques du truc qui est dans l’amulette, quoi que ça puisse être. On n’aurait pas besoin de tout lui donner. Juste quelques gouttes.

— Je ne sais pas…

— Ou bien tu pourrais la ranger dans l’icône et la mettre en sûreté dans un coffre, dans une banque suisse. À toi de décider, Zoé. C’est toi la Gardienne. »

Elle baissa les yeux sur l’amulette nichée dans sa main. Ry trouva qu’elle n’avait plus l’air aussi magique. On aurait plutôt dit le genre de babiole qu’on pouvait acheter pour quatre sous dans un bazar grec.

« Non, tu as raison, dit-elle. Il faut qu’on sache ce que c’est. Des gens se sont fait tuer à cause de ça. Un président des États-Unis a été assassiné parce que le KGB, ou au moins Nikolaï Popov, croyait qu’il en avait bu, et je n’arrive toujours pas à me faire à cette idée. » Zoé caressa du bout des doigts les runes gravées sur le verre. « Je me demande ce qu’est devenue l’autre.

— L’autre quoi ?

— L’autre amulette. Il y a deux compartiments secrets dans l’icône, une derrière chaque orbite. Alors à un moment donné, il y a dû y avoir deux amulettes.

— L’autre a peut-être fini dans la rivière avec Raspoutine.

— Ouais… Non, attends, on est vraiment idiots. L’amulette manquante est celle que ma grand-mère Katya a remplie d’eau de toilette pour l’échanger contre celle-ci. Qui est celle qu’elle avait donnée, au départ, à Marilyn Monroe, avec le véritable él… Ry, c’est ça ! »

Elle se retourna vers lui, les yeux brillants, les lèvres humides, et Ry faillit perdre la tête à nouveau, dans la minute.

« C’est ça quoi ? » demanda-t-il, dans un souffle étranglé.

Elle recommença à fouiller dans sa besace sans fond.

« Tu sais, quand on achète des produits de beauté chez Saks, ils te donnent toujours des petits échantillons de parfum ?

— Ouais. Ça m’arrive tout le temps.

— Laisse tomber, O’Malley, c’est un truc de filles, dit-elle en rigolant. Mais prépare-toi à être époustouflé par mon génie, parce que je crois que j’ai une idée de la façon dont on pourrait gérer le coup avec le fils de Popov. »